Qui de votre grand père ou de ce jeune est le plus anticonformiste ? A priori, c’est le jeune, celui qui remet en cause les conventions sociales. Et si en réalité le plus à même de faire face à la pression sociale, c’était votre grand-père …
Jeunes et vieux seraient opposés aux valeurs qu’ils portent. Les jeunes seraient progressistes, ouverts d’esprit et anticonformistes. Tandis que les vieux seraient plutôt réactionnaires, conservateurs et conformistes. Et si en réalité c’était les vieux les plus anticonformistes ?!
Si au lieu de fantasmer les valeurs de ces deux groupes sociales, nous les observons, nous remarquons que ceux du groupe des jeunes sont plus nombreux à suivre la mode, à s’acheter le dernier téléphone à la mode, à partir en vacances dans le dernier lieu instagram table du moment. Les jeunes ont davantage tendance à adopter les codes de leur groupe social d’appartenance, en adaptant leurs attitudes et comportements. Quant aux vieux, ils sont moins sensibles aux pressions normatives et à l’influence du groupe d’appartenance. C’est pour ceux-là que les psychologues considèrent que les vieux sont plus anticonformistes que ce que les représentations sociales liées à leur âge ne le laissent supposer.
Et c’est un sujet très étudié qui a pour but de répondre à la question : comment la présence d’autrui influence-t-elle vos décisions ?
De célèbres études ont été menées, comme celle de Solomon Asch, pour démontrer la puissance de cette influence d’autrui sur soi et son comportement.
Par exemple, Asch nous prouve que, lors d’une simple expérience de perception visuelle, la majorité d’entre nous préfère donner la même réponse que la majorité du groupe, quitte à se tromper, plutôt que de donner une réponse correcte mais contraire à celle du groupe ; alors qu’en situation isolée avec le même exercice, la majorité des sujets donnent la bonne réponse.
Parce que notre nature est sociable et que nous avons peur d’être exclues, nous avons besoin d’appartenir à un groupe. Par conséquent, nous acceptons d’adopter les règles implicites spécifiques à ce groupe. Ces règles s’appellent aussi normes sociales et elles nous dictent notre façon d’agir en société, et tout cela est principalement inconscient.
Dans ce cadre l’anticonformisme serait donc la résistance à cette pression normative du groupe ou de la société, c’est aller à contre courant de la norme dominante.
C’est la question à laquelle Nathalie Martin et Daniel Alaphilippe ont essayé de répondre dans leur article « Pressions sociales et vieillissement : le conformisme chez des sujets âgés ». Après avoir exploré ce que dit la littérature scientifique à ce sujet, il semblerait que plus on avance en âge plus on gagnerait en complexité cognitive et donc en ouverture d’esprit. Traduction, nous serions plus à même d’identifier les pressions normatives et donc de s’en détacher. Selon eux, passer 50 ans, notre esprit serait non pas moins conformiste, mais plus indépendant, plus libre d’accepter la norme ou non.
Cependant, dans la suite de leur étude, ils démontrent au cours d’une expérimentation que cette tendance ne perdure pas toujours avec l’arrivée au grand âge et les pertes physiques et cognitives qui adviennent. Ils tentent de comprendre ce résultat en supposant que les personnes âgées qui ont moins confiance en elles et en leurs capacités se soumettent davantage aux avis d’autrui et aux normes sociales.
L’enjeu est alors de préserver une grande estime de soi. Plus facile à dire qu’à faire dans une société où il fait bon d’être jeune. Que pouvez-vous donc faire ? Un choix. Entre se conformer à ce que l’on attend de vous en vous collant aux stéréotypes du vieux grabataire et fragile. Ou refuser ce stéréotype réducteur et néfaste et assumer de ne pas rester dans cette case que votre âge vous a assignée.
Quant à vous plus jeunes, si vous voulez faire quelque chose de vraiment anticonformiste, soyez fous, cassez la barrière des générations en prenant le temps de discuter avec votre vieille voisine !
Sources :
Martin, N. & Alaphilippe, D. (2005). Pressions sociales et vieillissement : le conformisme chez des sujets âgés. Bulletin de psychologie, 4(4), 447-454. https://doi.org/10.3917/bupsy.478.0447