Vous aussi ça vous agace d’être derrière une personne âgée à la caisse du supermarché parce que vous savez que ça va être long ? Et que vous avez autre chose à faire que de la regarder déposer doucement chaque article sur le tapis ?
Contexte : d’où vient le culte de la vitesse ?
Nous vivons dans une société de la vitesse grand V, du TGV ou de la 5G. Tout va plus vite, tout est plus rapide, chaque jour un nouveau record, toujours plus vite, toujours plus haut, toujours plus fort.
Mais comment faisions-nous avant que le temps soit mesuré, compté, rentabilisé ? Depuis toujours, les humains ont essayé de mesurer le temps que ce soit avec les calendriers mayas ou les cadrans solaires égyptiens. Mais c’est quand on a réussi à découper le temps en plus petites mesures encore que des mois et des jours, que le temps c’est mis à diriger nos vies. Avec l’installation des premières horloges publiques (au XIVe) se sont aussi mis en place les premiers couvre-feux. Puis avec l’industrialisation (XVIIIe) et la croissance exponentielle de notre productivité grâce aux machines, l’expression « le temps c’est de l’argent » est entrée dans notre vocabulaire. Merci Benjamin Franklin parce que c’est depuis cette époque que la lenteur est entrée au panthéon des vices et des défauts. Face aux habitudes laxistes des ouvriers qui travaillaient et prenaient des pauses quand ils en avaient envie, les grands patrons ont fait de la ponctualité une nouvelle valeur morale et du temps notre nouveau dictateur.
Depuis, on court après le temps et après la solution miracle qui nous fera gagner. Pas le temps de faire à manger ? Vive les plats préparés ! Pas le temps de faire du sport ? Suivez le nouveau programme, 10 min de yoga par jour pour vous remettre en forme ! Pas le temps de lire ? Apprenez la lecture rapide ! (Non mais franchement, quel intérêt ?)
On appelle cela « la maladie du temps », inventée par le médecin américain Larry Dossey en 1982, il s’agit d’une croyance selon laquelle « le temps s’enfuit, qu’il n’y en a pas assez et qu’il faut pédaler pour le rattraper ».
Cependant, il semblerait que les personnes âgées soient exemptées de cette pression de l’horloge. Comment ont-ils réussi à s’extraire de cette dictature du temps qui court ? Et si le ralentissement qui accompagne la vieillesse était une forme de résistance au temps et une solution au bonheur ?
Dans une société où l’on passe notre temps à anticiper le moment suivant, il faut savoir ralentir. Dans son livre, Eloge de la lenteur, Carl Honoré, nous dit que tout est une question d’équilibre. On ne peut pas se passer de la vitesse mais on a aussi besoin de la lenteur car le secret n’est pas de tout faire plus vite mais de tout faire à la bonne vitesse.
Faire de l’exercice, discuter avec ses amis, prendre le temps de préparer à manger, passer du temps avec son ou sa partenaire sont des moments indispensables pour notre bien-être qu’il faut arrêter de mesurer pour les caler dans son emploi du temps. Comme il le dit lui-même, il a commencé à se demander l’intérêt d’aller d’aller vite lorsqu’il a vu ce livre intitulé « histoire minute pour aller se coucher pour parents qui veulent gagner du temps ». Il s’est demandé pourquoi nous étions si pressés de passer un peu de temps auprès de nos enfants et dans sa quête de réponse il est devenu porte parole du slow mouvement. Un mouvement d’opinion qui déconstruit nos habitudes esclaves de nos emplois du temps et de nos méthodes pour gagner du temps.
Dans son livre, Carl Honoré nous informe que le premier principe de la lenteur est de privilégier la qualité à la quantité. Il défend l’idée que le vieillissement est un privilège plutôt qu’une punition, plus vieux plus heureux nous dit-il ! En effet, « parmi tous les groupes d’âge, les plus de 60 ans sont les plus satisfaits de leur vie. »
L’enjeu pour lui est de déconstruire les stéréotypes autour de la vieillesse pour redéfinir le concept car pour lui, vieillir c’est ralentir pour le mieux. Parce que la lenteur, c’est aussi synonyme d’attention, de réceptivité, de calme et patience et de réflexion.
Et ça commence par des activités qui viennent défier la vitesse, comme la marche, le jardin, la cuisine, le bénévolat, etc.
Les vieux semblent avoir un rapport au temps qui laisse la part belle à la lenteur, ce qui peut sembler paradoxal au premier abord car les vieux sont aussi ceux à qui ils restent le moins de temps à vivre. Mais pourquoi attendre d’avoir les cheveux gris ?
Même si la vieillesse semble être un moment propice pour prendre le temps d’améliorer notre qualité de vie, n’attendons pas la retraite pour lever le pied. Quelle est la première chose que vous faites le matin ? Si c’est regarder l’heure, peut-être que vous pouvez commencer par changer cette petite habitude. Ensuite, je vous invite à lire Eloge de la lenteur et peut-être rejoindre le slow mouvement.
Prenez le temps, laissez filer, profitez, respirez, n’ayez pas peur d’en perdre. Faite comme ce vieux monsieur assis sur un banc les yeux fermés et qui écoute la nature autour de lui, faite comme cette vieille dame qui prend le temps de discuter avec les gens qu’elle rencontre parce que oui, elle n’est pas pressée.
Envions les vieux qui ont le temps de prendre le temps, qui ont le temps de planter des carottes et de les voir pousser, qui ont le temps de garder les petits enfants quand les parents courent partout, qui ont le temps de s’engager dans des associations ou en politique car ils prennent le temps de changer les choses autour d’eux. Oui, ces retraités et seniors qui redeviennent maître de leur vie en consacrant du temps à ce qui leur fait du bien.
L’horloge dirige notre vie et ralentir c’est résister, résister au temps qui passe et il semble que tous ces seniors qui prennent leur temps résistent à ce temps qui passe, car comme le dit Woody Allen « je préfère vieillir car l’alternative est encore pire ».
Alors la prochaine fois que vous êtes dans la file d’attente du supermarché, posez-vous la question, est-ce que ça vaut le coup de râler pour quelques minutes, faut-il toujours aller vite ?
Sources : Eloge de la lenteur, Carl Honoré