Vous n’avez pas pu passer à côté du mouvement #metoo et de la montée du féminisme ces dernières années. Pour autant, les femmes âgées sont restées inaudibles et invisibles dans cette libération de la parole alors qu’elles ne sont pas à l’abri de ces violences sexistes.
Le hashtag MeToo a parcouru le monde entier et a permis aux femmes de partager leurs expériences et de rendre visible ce qui étaient jusqu’à présent rester sous silence. MeToo a donc permis à toutes les femmes de libérer leur parole. Enfin presque toutes puisque les femmes âgées ont été les grandes oubliées de ce féminisme 2.0.
D’ailleurs, quand on regarde les chiffres des violences faites aux femmes, elles n’y sont pas présentes non plus. Que ce soient les chiffres du gouvernement, de l’Insee ou de l’Observatoire national des violences faites aux femmes, les données s’arrêtent à 75 ans. Il faut dire aussi que ces données sont principalement récoltées via internet, un outil peu adapté pour des personnes agées déjà peu enclines à se confier sur ce type d’expériences traumatisantes qui touchent l’intimité.
Pourtant, les femmes âgées ne sont pas épargnées par ces violences. Sur le premier semestre 2021, parmi les femmes tuées par leur conjoint recensées par le collectif Féminicide, 20 % étaient âgées de 70 ans et plus.
Les femmes âgées sont donc elles aussi victimes de violences conjugales, physiques, psychologiques ou sexuelles, mais connaît-on vraiment l’ampleur du problème pour cette population ?
L’organisation mondiale de la santé s’est posé la même question car dans un contexte de vieillissement de la population, le phénomène risque de s’amplifier sans pour autant gagner en visibilité. D’autant plus, que l’actuelle pandémie du covid-19 entraine une augmentation des maltraitances sur les personnes âgées, notamment au sein des couples.
Les chercheurs Yon, Mikton, Gassoumis et Wilber sont ainsi allés regarder les études déjà menées sur ce sujet afin de créer une grande base de données. En analysant 52 études, ils émettent le constat suivant : 68 millions de femmes âgées de 60 ans et plus, dans le monde ont subi une maltraitance dans l’année précédente, soit l’équivalent d’un pays comme la France en termes de population (on parle ici à la fois de violence psychologique, de négligences, d’abus financiers, et bien sur de violences physiques). Selon l’OMS ce chiffre est sous-estimé puisque seulement 4% oseraient porter plainte.
Le sujet est donc important, pourquoi alors est il si peu documenté à l’échelle mondiale et quasiment pas en France ?
Première hypothèse : culturellement nous associons pas les personnes âgées à la violence, et avons du mal à considérer comme tels certains actes qui en sont pourtant. Et inversement, lorsque l’on s’imagine une personne violente, on visualise rarement une personne de 80 ans. Et lorsque l’on évoque ces violences, les raisons sont souvent liées à la maladie autant du côté de l’auteur que de la victime. Cependant, au même titre que la mini-jupe n’est pas une excuse justifiant un viol, la maladie ne doit pas être une excuse justifiant ces violences, et il est temps de mettre le problème sur la table et d’en faire un sujet de société.
Seconde hypothèse : Les femmes âgées portent rarement plaintes. Principalement parce qu’elles se sentent dépendantes de leurs partenaires. Notamment sur le plan matériel et financier. Par ailleurs peu de solutions leur sont apportées (ou leurs sont connues) pour s’extraire de cette dépendance. Enfin les perspectives d’une rupture leur apparaissent trop souvent sans issue, dénotant une forme de dépendance émotionnelle au fait d’être un couple.
C’est pourquoi il est important de faire un travail de prévention et de sensibilisation auprès des personnes âgées, mais aussi des professionnels pour aller chercher ces victimes et leur ouvrir de nouvelles possibilités.
La recherche doit également permettre de poser le sujet sur la place publique et d’éclaireur les décisions politiques en fournissant des preuves chiffrées.
Les conséquences physiques et psychologiques sont trop importantes pour que les victimes restent invisibles. Anxiété, dépression, blessures, traumatismes, allant parfois jusqu’au décès. Il faut intervenir au plus tôt pour éviter que ces violences ne dégénèrent.
Alors continuons de prendre la parole comme ces milliers de femmes qui ont osé dire « moi aussi ». Le mouvement metoo à suscité un véritable élan de solidarité et d’empathie envers la cause des femmes, prouvant que, collectivement, nous pouvons faire bouger les choses, même sur un sujet rester longtemps tabou. Parlons-en autour de nous, au sein du cercle familial ou entre professionnels, car la lutte contre les violences faites aux femmes concerne aussi les vieilles !
Sources :
Yon Y, Mikton C, Gassoumis ZD, Wilber KH. The prevalence of self-reported elder abuse among older women in community settings: A systematic review and meta-analysis. Trauma, Violence and Abuse. 2017:1524838017697308
France TV info, Pourquoi les femmes âgées sont les victimes oubliées des violences conjugales : https://www.francetvinfo.fr/societe/droits-des-femmes/pourquoi-les-femmes-agees-sont-les-victimes-oubliees-des-violences-conjugales_3612653.html