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Les vieux sont-ils racistes ?

Il vous est déjà arrivé d’entendre des propos racistes sortir de la bouche de vos grands-parents pendant un repas de famille ? Ou avez- vous hésité à inviter votre ami par peur qu’ils ne l’accueillent pas comme il faut en raison de sa couleur de peau ? Et puis, il y a ceux qui aiment se plaindre, « qu’on ne peut plus rien dire ».

Alors, les vieux seraient-ils racistes ?

Non, on ne peut pas dire cela non plus, il s’agirait plutôt du degré de tolérance vis-à-vis des propos intolérants de notre société qui a évolué.

Qu’est-ce que le racisme ?

Du point de vue psychosocial, le racisme est un ensemble de croyances selon lesquelles il existerait une hiérarchie entre les races ou entre les ethnies. Ces croyances entrainent des attitudes et comportements hostiles comme la violence ou la discrimination envers ceux qui appartiennent à une ethnie censée être inférieure.

Cela fait à peine un siècle que l’idée d’égalité entre les races existe. Avant 1920, la pensée d’infériorité de certaines races était prédominante et acceptée de tous. Ce n’est qu’avec le mouvement de lutte contre le colonialisme ou le mouvement afro-américain des droits civiques que l’on commence à remettre les choses en question. Une époque, quand on y pense, pas si lointaine, et qui constitue le bain culturel dans lequel les vieux ont grandi.

Pourquoi a-t-on cette impression que les vieux sont racistes ?

Le racisme est-il une question de génération ? Pas uniquement, car jusqu’à preuve du contraire, les jeunes peuvent se montrer racistes également. Alors pourquoi a-t-on cette impression que les vieux sont racistes ?

Enquêtons d’abord sur les raisons qui mènent au racisme. Plusieurs hypothèses existent mais je vais vous parler de celles que je connais le mieux en tant que psychologue sociale.

Tout d’abord, l’hypothèse cognitive. Avec la révolution cognitiviste des années 80, on découvre le processus de catégorisation sociale. Des chercheurs (comme Allport, 1954)  nous expliquent que notre cerveau a besoin de mettre les gens dans des cases pour se simplifier la vie et qu’on ne peut rien y faire puisque c’est un processus automatique. Le problème est que ces catégories sociales sont socialement construites, par vous-même et vos expériences, ou transmises par vos proches.

Ensuite, l’hypothèse culturelle, selon laquelle nos parents, les médias, la société, etc, nous apprennent, intentionnellement ou pas, à attribuer des caractéristiques négatives aux personnes qui sont différentes de nous.

Pour tester cette hypothèse, en 2014, Buttelmann & Böhm ont proposé l’expérience suivante. Prenez deux groupes d’enfants, un premier avec des enfants de 6 ans et un second d’enfants de 8 ans, auxquels on assigne une couleur (vert et jaune par exemple) à l’aide de t-shirt. Donnez-leur ensuite des images positives (une peluche) et des images négatives (un verre cassé) et demandez-leur de distribuer ces images en ayant le choix de les donner à leur groupe ou à l’autre groupe d’enfants.

Les chercheurs font deux observations intéressantes.

Premièrement, les deux groupes d’enfants favorisent davantage leur propre groupe. Ce qui veut dire que nous avons tous une tendance à valoriser les personnes qui nous ressemblent (ici les enfants donnent plus d’images positives aux enfants qui portent la même couleur de t-shirt).

Deuxièmement, en plus de favoriser son propre groupe, on a tendance à désavantager les personnes qui n’en font pas partie. Dans l’expérience, ce sont les enfants de 8 ans qui donnent plus d’images négatives aux enfants avec un t-shirt de couleur différente. A 8 ans, on ne se contente pas de favoriser son groupe mais aussi de désavantager l’autre. Ainsi, désavantager l’autre groupe serait un comportement qui se développerait après six ans.

Des croyances comme le racisme seraient donc une construction sociale et nous amèneraient à reproduire ces biais de favoritisme.

Bien sûr, la psychologie ne pourrait expliquer à elle seule les raisons du racisme qui trouve aussi ses fondements dans des explications historique ou sociologique mais revenons en à nos moutons.

Nous venons de voir que l’un des causes avancées pour expliquer le racisme est l’apprentissage social. Ce serait donc les normes de la société qui influencent notre comportement. Cependant, les normes sociales des années 50 ne sont pas les mêmes qu’aujourd’hui. Ainsi, de nouvelles théories proposent que le racisme a changé du fait de l’évolution de la société. Aujourd’hui, le racisme est condamné autant socialement que légalement. Les gens ne peuvent donc plus exprimer ouvertement des attitudes racistes comme cela pouvait se faire il y a quelques décennies. Que ce soit pour des raisons personnels : les gens souhaitent être plus égalitaire, ou par crainte de désapprobation social, parce qu’ils risquent d’être mal vu s’ils s’expriment, les gens n’expriment plus ou moins d’attitudes racistes mais ça ne veut pas dire qu’ils en pensent moins. 

Sommes-nous tous racistes ?

Comme dit précédemment, notre cerveau ne peut s’empêcher de coller des étiquettes et ces étiquettes sont socialement transmises par la société dans laquelle on vit. Il semblerait donc que personne ne puisse échapper à ces fausses croyances.

Alors, les vieux sont-ils plus racistes ? Certes ils ont grandi dans une société où le racisme n’était pas encore condamné comme il l’est aujourd’hui et certains ont pu exprimer des attitudes racistes sans que cela ne choque personne. Mais comme à tout âge, ils ont appris de nouveaux codes comme ces enfants de 8 ans dans l’expérience dont nous avons parlé.  Donc non l’âge n’a pas grand chose à voir avec le racisme.

Cependant, il s’avèrerait que nous ayons tous des préjugés que ce soit sur les étrangers, les femmes ou les vieux. Il est important de comprendre d’où ces préjugés proviennent et comment ils nous influencent pour mieux les déconstruire. Nous ne pouvons pas refaire notre éducation mais nous pouvons réfléchir à ce que nous avons acquis et à ce que nous souhaitons transmettre aux personnes qui nous entourent.

Sources :

  • Allport, 1954, The nature of prejudice Buttelmann, D., & Böhm, R. (2014). The Ontogeny of the Motivation That Underlies In-Group Bias. Psychological Science25(4), 921–927. https://doi.org/10.1177/0956797613516802