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Les vieux sont-ils drogués ?

En mars dernier, le président de l’OICS (Organe internationale de contrôle de stupéfiant) a déclaré : « La pandémie (de Covid-19) a causé de grands dommages à la santé et au bien-être des personnes âgées. Cependant, il existe également une épidémie cachée de consommation de médicaments qui touche ce groupe »

80% des personnes âgées consomment aux moins un médicament par jour

Les personnes âgées de 65 ans et plus représentent 20% de la population et parmi eux 80% consomment au moins un médicament par jour ! Et 50%, 4 à 5 par jour ! Et pas n’importe quel médicament, je parle ici de psychotropes et benzodiazépines ou plus communément appelés anxiolytiques pour la plupart. Et oui, les jeunes n’ont pas le monopole de la drogue mais est-ce que les vieux sont-ils pour autant tous drogués ?

 

Quand on parle de consommation de drogue chez les personnes âgées, on parle pour la majorité de consommation légale (médicaments et alcools). Et oui la drogue en vente libre existe, elle porte juste un nom différent. Alors non, les vieux ne sont pas tous drogués, ils sont simplement nombreux à consommer des médicaments. Même si l’usage de drogues illicites augmente également puisque les jeunes consommateurs d’hier sont devenus les vieux consommateurs d’aujourd’hui.

Le problème est que la consommation de médicaments augmente le risque de dépendance et le risque iatrogénique c’est-à-dire les conséquences néfastes et imprévues de la prise de médicaments sur la santé.

En bref, la drogue et les vieux ça ne fait pas bon ménage comme vous pouvez vous en doutez. Consommer de la drogue à 80 ans n’a pas le même effet qu’en consommer à 20 ans. Notre corps et notre cerveau ne métabolisent pas de la même façon. Les risques iatrogènes sont plus importants. Et oui, un médicament ça ne fait pas toujours que du bien. Chez les personnes âgées, cela peut se traduire par des chutes ou des troubles du sommeil par exemple.

Problème : la sur-prescription de médicaments

On n’avale pas des médicaments comme des bonbons me direz-vous ! Alors oui et heureusement même si l’utilisation des médicaments s’est banalisée. Parmi les problèmes soulignés par la Haute Autorité de Santé, il y a celui de la sur-prescription qui peut aussi s’avérer inappropriée. Par exemple lorsque la prescription de médicament remplace la réponse à une demande ou plainte sur des sujets tels que la solitude ou les conflits familiaux, …. Alors peut-être qu’on n’avale pas les médicaments comme des bonbons mais il semblerait que la distribution soit à revoir.

A banaliser leur consommation, la dépendance devient anodine et c’est comme cela qu’on se retrouve avec une épidémie cachée en temps de covid. Cette crise sanitaire qui nous a isolés les uns des autres. Pour comprendre l’impact de cet isolement sur la consommation de médicaments, laissez-moi vous raconter une histoire.

Il était une fois dans les années 60 des chercheurs ont appris à des rats de laboratoires à activer un levier pour recevoir de l’héroïne. Ces rats sont vite devenus accros au point d’oublier de se nourrir et d’abuser d’héroïne jusqu’à l’overdose. Les chercheurs ont conclu que si les humains avaient ce même accès aux drogues nous serions tous fait comme des rats !

Attendez, rats et humains ne sont pas comparables ! Et bien si, nous partageons 95% de notre génome avec le rat donc d’un point de vue scientifique nous sommes comparables.

L’histoire ne s’arrête pas là, peu de temps après, le Professeur Alexander entre en scène : “il y a un souci avec votre expérience, les rats ne sont pas faits pour vivre seuls dans des cages, ce n’est pas leur mode de vie et cela biaise vos résultats !”

Il se demanda donc si les résultats seraient les mêmes avec des rats libres élevés en communauté. C’est alors que l’idée lui vint de créer un immense parc coloré avec des jouets, des tunnels, et pleins de choses sympas si vous êtes un rat. Ils y placèrent ensuite des rats élevés seuls en cages et des rats élevés en colonie. Dans ce parc, les rats avaient le choix entre boire une solution de morphine (se droguer donc) ou boire de l’eau. Résultat, les rats des cages consommaient 19 fois plus de morphine que les rats des colonies.

L’isolement : un facteur de consommation de drogues

Les chercheurs ont conclu que l’isolement social est un facteur déterminant dans la consommation de drogues. Et que les rats élevés en colonie même s’ils ont consommé de la drogue, ont vite compris les avantages sociaux à ne pas le faire, au point de se sevrer et de subir le syndrome d’abstinence de leur plein grès.

La dépendance dépend de notre intégration sociale

Je vous l’accorde, l’étude n’est pas toute jeune mais célèbre pour ses résultats étonnants. Cela montre l’importance de l’environnement social et son impact dans la consommation de drogue et donc de médicaments. Cette consommation qui peut se transformer en dépendance selon le niveau d’intégration sociale de la personne.

Bien entendu, je n’invite pas à arrêter vos traitements ou ceux de vos proches, simplement à s’assurer de l’adéquation entre la prise de médicaments et la demande qui se cache derrière.

Pourquoi consomme-t-on ? N’y a-t-il pas d’alternatives non médicamenteuses pour répondre à la demande ?

Je ne pense pas qu’il faille blâmer les médicaments ou autres drogues, cela s’avère efficace pour traiter des douleurs ou des symptômes, la science a même prouvé que le LSD et le cannabis peuvent être efficaces dans le cas de certaines pathologies. Il est simplement important de prendre le temps de calculer le rapport bénéfices/coûts et de réfléchir aux alternatives non médicamenteuses si elles existent.

Sources :