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Vieillir rend-il dépressif ?

On pense que c’est normal d’être triste quand on est vieux.

La tristesse fait partie de notre palette d’émotions. Nous la ressentons tous un jour ou l’autre, et sans elle nous ne pourrions apprécier à la juste valeur des moments de bonheur. Est-il néanmoins possible que cette émotion prenne toute la place dans notre quotidien dès l’apparition de nos cheveux gris ? Et pourquoi serait-il normal d’être plus triste que la normale quand on est vieux ?

Pourquoi pense-t-on que c’est normal d’être triste quand on est vieux ?

On pense que c’est normal d’être triste lorsqu’on est vieux, car on a une image déformée de la vieillesse. On considère cet âge de la vie comme la fin du voyage, comme si on ne pouvait que regarder en arrière, regarder ce qui n’est plus, ce qu’on regrette, ce qu’on a perdu. Lorsqu’on associe dépression et personne âgée, on pense à la personne qui regarde le vide par sa fenêtre, ne trouvant plus aucun sens à sa vie et attendant que la mort vienne arrêter ses souffrances de vieille personne. On pense la dépression comme une conséquence du vieillissement, comme un temps d’attente de la mort.

En quoi associer vieillesse et tristesse est un problème ?

Le problème d’associer la tristesse à la vieillesse est que l’on n’arrive plus à distinguer le normal du pathologique.

Car le risque est bien réel. Le risque est de passer à côté d’un état plus profond, plus ancré, plus dévastateur pour la personne. Le risque est de ne pas voir la dépression qui fait son nid. La dépression est sous-diagnostiquée chez les personnes âgées.

Le risque est d’oublier que la dépression est une maladie, qu’elle est sous-diagnostiquée chez les personnes âgées et que non, ce n’est pas une conséquence normale du vieillissement.

À 20 ans comme à 80, la dépression est une maladie psychique.

En général, elle se manifeste par un ensemble de symptômes : humeur triste, perte d’intérêt ou de plaisir pour les activités habituelles, modification de l’appétit, troubles du sommeil, dévalorisation, difficulté de mémoire, de concentration, de plaintes, douleurs somatiques, agressivité, etc.

Comment se manifeste-t-elle ?

Mais à 20 ans et à 80, elle se manifeste différemment. (On parle des dépressions) On préfère parler des dépressions, car pour ce qui concerne les personnes âgées, elle peut prendre plusieurs formes, plus ou moins sévères, avec des prises en charges différentes.

  • Par exemple, on peut avoir une dépression masquée qui se traduit par des plaintes fréquentes de douleurs physiques et sans tristesse apparente. Quand l’hypothèse d’une cause physique est éliminée, il faut poser celle d’une cause psychique. C’est Mme Martin qui a mal au ventre, mal à tête très fréquemment, qui a des palpitations et des vertiges fréquents, mais pour qui toutes causes physiques ont été éliminées.
  • Il existe aussi les dépressions hostiles, d’avantage marquées par une attitude agressive, un refus de sortir pour se protéger de l’indifférence. C’est M. Dupont, toujours un peu agressif quand il vous parle et qui ne veut plus sortir de chez lui.

Mais le problème, c’est que les symptômes classiquement attendus de la dépression ne sont pas forcément les mêmes que l’on trouve chez les personnes âgées. C’est notamment une des raisons pour laquelle elle est sous-diagnostiquée chez cette population. Les professionnels recommandent donc de la rechercher systématiquement plutôt que d’attendre la manifestation des symptômes.

Une autre raison de son sous-diagnostic, est cette idée reçue qu’il est normal d’être triste quand on est vieux. Cette fois, on ne voit pas la tristesse comme un symptôme d’une maladie, mais comme la conséquence du vieillissement.

On se retrouve ainsi avec des personnes qui parfois manifestent leur tristesse sans que celle-ci soit prise au sérieux et d’autres qui manifestent ce mal-être d’une façon déguisée de sorte que l’on peut facilement passer à côté.

Quelles sont les répercussions ?

La première répercussion est celle qui porte sur la santé de ces personnes. Prévenir la dépression, c’est donner les chances d’une meilleure qualité de vie et une réduction des suicides chez les PA.

Mieux diagnostiquer les dépressions, c’est aussi mieux les prendre en charge. Des troubles de la mémoire ou de l’attention peuvent être des symptômes d’une dépression, mais aussi les signes d’une maladie neurodégénérative. C’est là que le travail d’investigation du professionnel commence. Une dépression inscrite dans un schéma de démence peut déclencher une prise d’antidépresseurs et ainsi réduire les troubles dont souffre la personne.

Une dépression reste une dépression à 20 ans comme à 80 ans, ce n’est pas une conséquence normale du vieillissement. Elle reste une maladie à prendre en charge dans tous les cas et les personnes qui en souffrent ont besoin d’être accompagnées.

Lien vers l’épisode de podcast : https://smartlink.ausha.co/culture-ge/15